[Polistes dominula] Fondations 2012

Bonjour,
J’inaugure cette catégorie avec un suivi de plusieurs nids chez Polistes dominula, le poliste le plus fréquemment rencontré. Je vais mettre plusieurs fondations en même temps car en général je suis une bonne vingtaine ou trentaine de nids chaque année... je vais donc mettre les plus intéressants. Comme convenu dans le "Expériences diverses" de cette rubrique, n'hésitez pas à poser vos questions en créant un sujet dans "expériences diverses" et en reprenant le lien de ce post. Ne répondez pas directement ici
Ceci étant dit c'est parti pour les premières fondations 2012 : ces images ont été prises ce weekend. Après une semaine de température à 24°C de moyenne, voici diverses fondations construites dans une série de hangars abandonnés. La première image montre le site de nidification :



J'en profite pour rappeler que les polistes construisent de petits nids sans enveloppe protectrice. Voici le premier, obtenu après une semaine de travail par la fondatrice seule. On peut y observer les premiers œufs au fond des cellules et une réserve de nectar (miel) au fond de la cellule centrale qui est la plus profonde. Les polistes sont les seules guêpes sociales à pouvoir effectuer des réserves de nectar dans leurs cellules en prévision des jours de mauvais temps Nid n°1



Une autre fondation, commencée probablement un peu plus tôt et donc avec un diamètre plus important ! Elle est construite près d'un vieux nid et présente aussi des réserves de nectar. Nid n°2



Les fondations suivantes sont intéressantes car elles ont été initiées par PLUSIEURS fondatrices ce qui est atypique. Seul les polistes peuvent avoir ce comportement parmi les guêpes sociales. Dans ce cas, l'une des fondatrices devient dominante sur les autres et seule elle pondra et assurera la reproduction. Les autres deviennent "soumises" à cette dominante et se comportent comme de simples ouvrières. En général ces fondatrices sont issues d'un même nid. Ce comportement est un très gros avantage car la dominante se fait nourrir par les autres et n'a plus à sortir du nid. Elle est alors protégée des risques liés au monde extérieur et la colonie à plus de chance de s'en sortir (là où une fondatrice seule pourrait mourir entrainant la perte de toute sa fondation)

Ici 4 fondatrices, vous remarquerez que la fondation est mieux lancée que les précédentes, il y a plus de cellules et plus d’œufs pondus... Les larves seront aussi mieux nourries. Nid n°3



Ici, 3 fondatrices (toujours avec les réserves de nectar, il n'y a pas encore de larves il est trop tôt) Nid n°4 :



Enfin une situation assez intéressante à cause de la promiscuité des fondations. Dans la photo suivante, le premier compartiment est occupé par un ancien nid. Le second par une fondation de cette année (Polistes dominulus) et le dernier par une autre fondation 2012 mais d'une espèce de poliste différente !!! Je n'ai pas eut le temps de l'identifier car la fondatrice s'est envolée à chacune de mes approches mais j'ai repéré quelques unes de ces caractéristiques (dernier sternite noir, tache noire sur le clypeus et très petite taille). A ma prochaine visite j'essaierai de la photographier pour identifier l'espèce plus facilement (je pense à Polistes nimpha) Mais je doute que les 2 fondations puissent se développer complètement si près l'une de l'autre... à suivre au prochain épisode Nids n°5 et 6

Evolution du premier nid 4 jours après la première photo : de nouvelles alvéoles et des réserves de nectar amassées, la petite maline a anticipé le mauvais temps de cette semaine !

Voici les photos des différents nids prises aujourd'hui : apparition des premières larves.
Pour le nid n°1, il y a maintenant 22 alvéoles avec 19 œufs (certaines cellules étant tout juste commencées). La cellule centrale (donc la cellule la plus ancienne [grossissement]) montre une toute jeune larve, elle est un peu plus grosse qu'un œuf et n'a pas la forme ovoïde caractéristique de l’œuf (elle semble plutôt collée à la paroi de sa cellule).



Pour le nid n°2, la fondatrice a trouvé une source de fibre de bois parfaitement blanche ce qui donne à l'édifice une couleur atypique ! Il y a 28 œufs pour 29 cellules. Pas de larve visible à l’œil nu ou sur photo. La fondatrice reste cachée sur le dos du rayon.



Le nid n°3 présente plusieurs larves à différents stades dans les alvéoles centrales. On commence clairement à voir l'intérêt de la polygynie [plusieurs fondatrices] car cette fondation est plus avancée que les autres. Au total, 38 alvéoles pour 35 œufs soit près de 30% de plus que pour le nid n°1 avec son unique fondatrice !!! La larve la plus grosse doit mesurer près de 3mm et elle devrait prendre sa forme caractéristique boudinée d'ici peu de temps. Le grossissement de droite montre la différence entre la forme d'une jeune larve et celle des œufs des cellules voisines.



Le nid n°4 est constitué de 47 alvéoles avec 45 œufs (soit ici plus de 50% de cellules et œufs de plus que le nid n°1). De très jeunes larves sont également présentes dans les cellules centrales mais à un stade moins avancé que le nid précédent (œufs pondus un peu plus tard ou température ambiante un peu moins élevée peuvent expliquer cette différence)



Et voici les voisines... pour qui les fondations grossissent aussi (pas de larves visibles pour le moment). Une troisième fondation de la même espèce s'est installée à 1,5 mètres de celles-ci, sous le toit du cabanon où se trouve les fondations "voisines" n° 5 et 6.



Voici cette fondation (nid n°7) avec sa fondatrice. Je n'ai pas réussi à déterminer l'espèce (joues noires, tache sur le clypéus, mandibules avec macule jaune et couleur du dernier sternite noire, antennes noires jusqu'au 3ème article puis flagelle jaune). Il semble que l'espèce la plus proche soit Polistes gallicus mais je vais essayer de prendre une vue dorsale pour confirmation. En attendant, ce sera donc Polistes sp. pour ces 3 fondatrices qui ont toutes les mêmes caractéristiques.

Et voici une photo de ce soir soit 3 jours après le dernier post pour le nid n°3. Les larves grandissent vite malgré les conditions météo mitigées. Les fondatrices défendent plus farouchement la fondation avec la naissance des larves et font plusieurs manoeuvres d'intimidation (voir la photo suivante). Comme pour le suivi de Francis (et comme chez toutes les guêpes sociales), pattes avant dans le vide, ailes écartées, prêtes à décoller. L'une d'elle va même faire pointer puis rentrer son aiguillon de l'abdomen 4-5 fois en quelques secondes ; soit pour se préparer à la piqûre, soit pour émettre des phéromones d'alarme et inquiéter l'agresseur... je recule pour les photos !

Aujourd'hui belle journée, beaucoup d'activité :
Les polistes réhaussent les alvéoles, nourrissent les larves qui sont présentes dans tous les nids et évoluent beaucoup. Dans la plupart des fondations les fondatrices ont utilisé la "fenêtre météo" pour refaire des réserves de nectar en prévisions des mauvais jours et pour chaque nids, 4 à 5 cellules présentent une goutte de liquide doré ou transparent. Sur la plupart des larves il est possible de voir les mandibules (petites taches de couleur noire sur les photos) apparaitre. Pour les larves les plus âgées, le "masque" [tête rigide de la larve] commence à se former. Il est possible de commencer à voir les fondatrices chasser aux alentours des sites de nidification. La propriétaire du nid n°6 réhaussant une cellule (la bande mouillée entre ses mandibules vient d'être ajoutée) :





Nid n°3 :



Pour nourrir les jeunes larves, les fondatrices enfoncent la tête dans les alvéoles et régurgitent de la nourriture Nid n°4 :

Bonjour,
Les larves sont maintenant à mi-développement (photos du 05/05/2012 soit 11 jours depuis le dernier message). La plupart des œufs ont éclos et les fondatrices passent la majeure partie de leur temps à chasser pour nourrir les larves et faire des réserves de nectar pour se nourrir elles-mêmes.

Nid n° 2 (39 cellules, 2 fondatrices) :


Nid n°3 (36 cellules, 2 fondatrices) :


Nid n°4 (51 cellules, 3 fondatrices) :


L'avantage de la polygynie commence à être bien visible, les fondations avec plusieurs fondatrices présentent un plus grand nombre de larves et celles-ci sont mieux développées. Pour comparaison, le nid n°1 (31 cellules, 1 fondatrice) :

Gros plan sur les larves du nid n°4 au 07/05/12. Sur ce nid aussi quelques jeunes larves présentent la couleur rosée qui est perdue par la suite lors de la croissance. Les larves les plus âgées sont compressées le long des parois de la cellule ce qui leur permet maintenant de monter et descendre dans celle-ci grâce à des excroissances (bourrelets) sur les flancs. Le "masque" [tête en chitine rigide] des larves est complètement formé.

Et voici la dernières nouvelles d'aujourd'hui :
La fondatrice du nid n°1 a disparu depuis 2 semaines, les larves végètent - croissance arrêtée. Cette fondation est probablement vouée à disparaître. Je remplace donc le suivi de cette fondation par une autre fondation monogyne (pour comparaison de l'évolution avec les fondations polygine), voici le nid n°8 :


Nid n°2 :
Une larve est visible par transparence en train de filer son opercule de soie.


Nid n°3 :
Au milieu des cocons se trouve une cellule vide. La photo du 15 mai montrait une jeune larve au milieu des autres larves adultes. La larve de cette cellule a été consommée (probablement pour nourrir les autres larves lors des périodes de mauvais temps prolongées récentes).


Nid n°4 :


Les nids n°5 et 6 ont été abimés par des prédateurs (cellules partiellement détruites et quelques larves consommées + absence des fondatrices). Le nid n°7 est en bonne voie mais semble avoir subit quelques dégâts également. Le suivi sera continué sur un autre post car celui-ci est réservé à Polistes dominulus.

La famille s'agrandit pour le nid n°3 avec l'apparition de la première ouvrière. J'ai été les voir vendredi, il n'y avait pas d'éclosions. Aujourd'hui elle est bien alerte et fait même de courte sorties, elle a donc éclos depuis quelques jours (peut-être samedi) ce qui porte la durée de la nymphose à environ 12-13 jours soit une durée de développement totale de 53 jours ! On reconnait la jeune ouvrière à sa couleur pas complètement stabilisée (à droite sur la photo) et sa taille légèrement inférieure à celle des fondatrices mais la différence de taille ouvrière/fondatrice n'est pas très marquée chez les polistes, même pour les premières ouvrières. Bien entendu un œuf a été pondu immédiatement dans la cellule ouverte (reconnaissable au reste de soie sur le pourtour de la cellule).



Anecdote amusante : la petite nouvelle fait ses premiers vols et n'a pas encore complètement visualisé l'entrée du nid (mémoire photographique chez les guêpes). Le nid est sous une tôle fendue sur toute la longueur d'une fissure de 4-5mm de large (voir photos au début du sujet). A son retour d'expédition elle se pose sur la tôle et commence à marcher le long de la fissure sans retrouver à quel endroit se trouve le nid. La fondatrice dominante qui reste en permanence sur le nid, en la devinant passer près de la fissure, est sortie sur la tôle pour aller la chercher et la guider vers le nid en la tirant frénétiquement avec ses pattes avant et mandibules.

Pour le nid n°4, le potentiel de la main d’œuvre à venir est évident (16 cocons). Le rayon est presque circulaire et mesure environ 5cm de diamètre pour 90 cellules, toutes occupées !

Voici des nouvelles du nid n°3, il y a maintenant 3 ouvrières en renfort. La fondatrice dominante ne sort plus du tout ce qui est déjà le cas depuis la nymphose des premières larves. L'autre fondatrice fait des sorties comme une ouvrière normale. Les 2 dernières ouvrières restent au nid car elles sont encore jeunes et pas complètement sèches mais elles s'occupent déjà de nourrir les larves. L'une d'elle a du émerger dans la journée car la fondatrice n'a pas encore repondu dans la cellule (les 2 autres ont chacune un nouvel œuf). Magnifique temps, beaucoup de sorties donc impossible d'avoir la famille au complet :





Pas d'agressivité particulière mais nous sommes chez Polistes dont les représentants sont très pacifiques ! Chez le nid n°4 aussi il y a du nouveau, 2 éclosions :



Pour la fondation monogyne, nid n°8, tout va bien. Une réserve de nectar a été constituée sur l'un des cocons de soie et pas dans une cellule, c'est la première fois que j'observe ce cas de figure :



En revanche pour le nid n°2, mauvaise surprise : la fondation a été complètement arrachée et je retrouve les débris de nid déchiqueté un peu partout au sol. Un cerisier avec beaucoup de fruits venant d'arriver à maturité se trouve juste au-dessus de cette fondation. Attaque d'oiseaux pendant l’absence de la fondatrice ? Je la vois qui traine dans la zone s'approchant à plusieurs reprises de l'emplacement du nid, désemparée... Comme quoi même à deux doigts de réussir, l'échec est encore possible. Ce qui montre que sur les 2 fondations monogyne du départ, aucune n'a survécu alors que toutes fondations polygyne ont des ouvrières : l'avantage est notable car une fondatrice reste en permanence sur le nid pour le protéger. La n°8 va t-elle y arriver ?

Des nouvelles après 2 semaines de temps très capricieux, les éclosions vont bon train pour toutes les colonies. Avec l'arrivée des premières ouvrières, le nid n°8 s'agrandit rapidement (5 ouvrières, 3cm de diamètre) :



Le nid n°3 fait de même, j'observe beaucoup de boulettes de chenilles, l'une des proies préférées des polistes (10 ouvrières, 6cm de long). A 19h30, 50% des occupantes sont encore à l'extérieur en mission de collecte (32°C dehors). La seconde génération (œufs pondus dans les alvéoles après l'éclosion des premières ouvrières) est bien avancée et composée de jeunes larves les plus vieilles étant à mi-développement :



Et la plus populeuse des colonies de ce suivi, nid n°4 (10cm de diamètre, 14 ouvrières). Je commence à me méfier lors de l'approche de ce nid, la colonie devenant assez réactive (je n'approche plus à moins d'1 mètre, ça reste une guêpe très pacifique ). Ici encore, une bonne partie de la population en dehors du nid :

Une journée pleine de surprises : bonnes et moins bonnes...
Commençons par le nid n°8 qui continue son expansion tranquillement depuis l'arrivée des ouvrières, beaucoup d'activité par 30°C aujourd'hui, tout le monde est affairé. De nombreuses gouttelettes d'eau sont utilisées pour le refroidir le couvain :



Voici maintenant le nid n°3, les larves de seconde génération grandissent vite mais l'observation d'aujourd'hui est surprenante, je vous laisse deviner pourquoi, regarder bien la photo suivante :




Il n'y a rien qui vous choque ? Si bien sur, vous avez remarqué que les 2 guêpes du haut (gauche) sont différentes des autres... et oui, ce sont des mâles. Chez les polistes les mâles sont assez caractéristiques car ils ont la face entièrement jaune et souvent triangulaire (pour de nombreuses espèces), l'extrémité de leurs antennes est enroulée et ils ont 7 segments abdominaux (5 chez les femelles), autres signes distinctifs. Le problème : nous sommes en juin et ce ne sont que des éclosions de la première génération. Ils apparaissent donc anormalement tôt ! Est-ce une ponte d'une autre fondatrice que la légitime qui serait non fécondée (chez les hyménoptères les œufs non fécondés donnent des mâles par défaut, les œufs fécondés donnent des femelles) ? En tout cas une chose est sur ça n'est pas une ponte d'ouvrière car elles n'étaient pas encore présentes à ce moment



Alors je me dis que je vais aller voir le nid n°4 pour confirmer... Mauvaise surprise ! Le nid a disparu, aucuns restes au sol mais je suspecte des tagueurs d'être venu dans l'abri où il se situait... Comme quoi le pire ennemi des guêpes, c'est bien l'homme... même avec une défense qui commençait à devenir non négligeable. Après moulte interjections, je me dis que finalement la situation peut être intéressante à observer car l'une des fondatrices à reconstruit une nouvelle fondation quelques centimètres plus loin. Je n'ai vu qu'une guêpe sur le nid mais peut-être sont-elles plusieurs à avoir entamé la reconstruction.




Comment va se comporter cette colonie qui de très avancée passe à très retardée La suite au prochain épisode, si des tagueurs ne passe pas dans le coin à nouveau

Nous voici début juillet, le temps ne s'y prête pas mais les polistes continuent l'agrandissement des colonies qui atteignent maintenant une taille et une population respectable. Voici le nid n°8 en pleine journée, beaucoup de monde à l'extérieur en mission de collecte. Il fait maintenant 8cm de diamètre :



Le nid n°3 avec sa seconde génération (alvéoles centrales) qui arrive actuellement en nymphose. Le premier cocon est apparu le 28 juin ce qui donne une durée de développement larvaire de l’œuf au tissage du cocon de 30 jours soit 27% de temps de moins que pour la première génération ! Rappel : durée de développement calculée sur ce même nid de l’œuf au tissage du cocon pour la première génération : 41 jours !



Et enfin le nid n°4 sur lequel il y a finalement 3 individus :

Pour évaluer le population des nids, rien de tel que la fin de journée : à 21h00 tout le monde est de retour après une grosse journée...

Nid n°8
Les premiers mâles éclosent, cette fois-ci ces éclosions sont normales pour la saison ! (centre de la photo, extrémités des antennes enroulées, 7 segments abdominaux)


Nid n°3
Les 3 mâles sont toujours vivant, ils ont tous la tête enfoncée dans une cellule et font quelques sorties dans la journée.


Nid n°4
Les premiers cocons depuis la reconstruction soit une durée totale de développement d'environ 31 jours.

Des nouvelles du nid n°8 : de nombreux sexués apparaissent dans tous les nids que j'observe. Les mâles sont bien reconnaissables avec leur face jaune, leurs yeux vert, l'extrémité de leurs antennes enroulée et leurs 7 segments abdominaux. Sur la photo suivante, presque tous les individus ayant la tête dans une alvéole sont des mâles. A cette période de l'année, l'élevage du couvain a déjà beaucoup ralentit chez les polistes !